L’espace des possibles
Maya Andersson, David De Beyter, Florian Bézu, David Coste, Guillaume Dégé, François Deladerrière, Blaise Drummond, Jérémy Gindre, Nina Laisné, Christian Marclay, Hugues Reip, Eric Rondepierre, Vincent J. Stoker, Hiroshi Sugimoto, Ambroise Tézenas, Jean-Luc Verna
Programmation de vidéos : Delphine Balley, Émilie Brout & Maxime Marion, Enna Chaton, Cédric Couturier, Hervé Coqueret, France Dubois, Jean-Christophe Garcia, Gabrielle Le Bayon, Geörgette Power, Clemens von Wedemeyer
Exposition
12 mai > 31 août 2016 — Les arts au mur artothèque, Pessac
Commissariat : Émilie Flory
L’exposition L’espace des possibles est un jeu, un clin d’œil estival à Georges Méliès à travers les œuvres de la collection de l’Artothèque et celles de partenaires privés et publics. Elle aborde en filigrane la question du décor, la place du créateur, de l’acteur et du spectateur en une valse déstabilisante et joyeuse. Qui est finalement qui et où ? Les va-et-vient entre intérieur, extérieur, plateaux naturels et factices, réalité du dessin et fiction photographique, décorum et salle obscure, l’ensemble laisse le choix. Les artistes de l’exposition construisent cette effervescence. Leurs œuvres modulent les passages d’une scène à l’autre, nous laissant aussi surpris et enjoués que Cecilia/Mia Farrow lorsque Tom/Jeff Daniels quitte sa vie de fiction de La Rose pourpre du Caire et sort de l’écran pour l’emporter vers une autre aventure.
Bien que singulières, les recherches de Maya Andersson, Florian Bézu, David Coste, Guillaume Dégé, Blaise Drummond et Jérémie Gindre se rejoignent en ce qu’elles positionnent le paysage ou des éléments du paysage comme acteur central. Rocheuses, montagnes, pics, falaises, cascade ouvrent l’exposition et donnent déjà à penser à leur symbolique ou leur usage même.
Qu’est-ce alors ? L’emblème des studios de la Paramount, une montagne de laquelle un couple hitchcockien va indubitablement tomber, le repère de Sitting Bull, une peinture d’arrière-plan ou une invitation au voyage ?... Qu’importe au fond. Un paysage qui se dévoile en tirant un écran ou une montagne qui se déplace à pattes de fauve, les dessins poétiques de Guillaume Dégé côtoient ici Ça bouge de Jérémie Gindre. L’œuvre représente une masse rocheuse digne de Monument Valley ou d’Alabama Hills — décors naturels de nombreux westerns — et dialogue avec l’imposante et sculpturale Red Rock de David Coste. Vertébrés de chevrons, ces monts deviennent factices dans les dessins de l’artiste. Coste les positionne avec grâce et nous montre leur importance et le malaise de leur beauté, il emporte ainsi le spectateur dans un trouble : artifice ou fin du monde ? Sommes-nous finalement tous des Capitaine George Taylor et des Truman Burbank1 ?
À leurs côtés, le paysage délicat de Drummond, la fragilité de celui de Bézu et la magie lumineuse qui se dégage de ceux d’Andersson participent également à cette balance, entre réalité et fiction, concret ou de papier.
Rêver et voyager devant une image d’Épinal, n’est-ce pas cela le cinéma ?
Les photographies de François Deladerrière, David De Beyter, Nina Laisné et Vincent J. Stoker sont quant à elles éminemment cinématographiques. À travers un écran de fumée, à la marge de la voiture d’un crime ou dans une salle des machines digne de 2001,Odyssée de l’espace, la charge narrative et le pouvoir des objets renforcent la contemplation et l’état de malaise. Ici le spectateur élabore les scenarii tandis que les téléphones sonnent. Les intérieurs minimalistes associés aux objets participent à une impression de temps suspendu. Ils nous confrontent au silence nécessaire qui crée le rythme d’une histoire. Les seuls personnages présents parlent à des interlocuteurs mystérieux chez Christian Marclay et Nina Laisné, tandis que les Background d’Éric Rondepierre nous ramènent sur le plateau, dans des panoramiques invisibles sur pellicule mais pourtant familiers.
Tels des antihéros de The Twilight Zone, nous changeons à nouveau d’état et redevenons spectateurs. Assis dans les voitures au drive-in de Sugimoto, à travers la fenêtre sur le monde d’Ambroise Tézenas ou grâce aux allégories offertes par l’œuvre de Hugues Reip, nos yeux se posent sur les écrans, lieux de l’imaginaire, espaces des possibles.
L’exposition se termine avec la découverte des films de : Delphine Balley, Émilie Brout & Maxime Marion, Enna Chaton, Hervé Coqueret, Cédric Couturier, France Dubois, Jean-Christophe Garcia, Gabrielle Le Bayon, Georgëtte Power et Clemens von Wedemeyer. Ces vidéos présentées à tour de rôle au fil des jours convoquent d’autres lectures à ce qui a été donné à voir jusqu’alors. Tantôt fiction délirante, tantôt documentaire, intimiste, profond ou humoristique, les 10 films diffusés sur un cycle de 10 jours tout au long de l’été sont autant d’échos différents à l’exposition.
Ainsi, les étoiles scintillent toujours, comme dans l’œuvre de Jean-Luc Verna, un « tattoo émoussé » — tel qu’il aime à définir certains de ses dessins — qui scande quoi qu’il en soit : Paramour.
— Émilie Flory
Manosque, mars 2016
1. Le capitaine George Taylor est le héros des films La planètes des singes et Truman Burbank est le héros de The Truman Show.
Films cités :
La planète des singes, Franklin J. Schnaffer, 1968
The Truman Show, Peter Weir, 1998
La Rose Pourpre du Caire, Woody Allen, 1985
2001 : l’Odyssée de l’espace, Stanley Kubrick, 1968
Twilight Zone : the Movie, John Landis, Steven Spielberg, Joe Dante et George Miller, 1983
En partenariat avec la Galerie Jocelyn Wolff, les FRAC Aquitaine, Basse et Haute-Normandie, le FRAC-Artothèque du Limousin et des collectionneurs privés.
Sites des artistes
Maya Andersson
Delphine Balley
Florian Bézu
Émilie Brout & Maxime Marion
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Ambroise Tézenas
Jean-Luc Verna
Vues d’exposition © Gaëlle Deleflie pour Les arts au mur