Hétérotopia - Les grandes formes

Vincent J. Stoker


Exposition
27 mai > 13 septembre 2014  — Centre d’art contemporain image/imatge, Orthez

Commissaire  : Émilie Flory 



Hétérotopia — Les grandes formes rassemble pour la première fois les séries La chute tragique et La fin de l'Histoire dans lesquelles Vincent J. Stoker fait s'incarner deux imaginaires de l'Histoire, deux projections de l'issue de l'Histoire qui se contredisent, l’une tragique et l’autre positiviste.
D'un côté, ce qui semble être la vérité inquiétante du monde : l'homme doit disparaître de ses constructions mégalomanes pour ne laisser derrière lui que mousses et lichens. De l'autre, le rêve utopique des technocrates, de ceux qui croient en la capacité de l'homme à se surpasser par la connaissance de l'Histoire et la science. 
L’artiste est un passeur entre des mondes qui se juxtaposent sans toujours se rejoindre. Son travail nous plonge, sans mélancolie ni scopophilie, au cœur des abîmes. Avec ses très grands formats, impossible de s'évader, impossible d'échapper au vertige. Il nous arrache de la torpeur, et nous pousse à un singulier voyage intérieur, bordé par le cadrage spécifique et systématique des images, à un autre regard sur le monde, sur le sens que l'homme veut donner à son Histoire et aux histoires qu'il se raconte.

— Émilie Flory

La chute tragique


Avec la série Heterotopia, La chute tragique, je m’intéresse à l’altérité radicale de lieux dont on ne vient plus perturber la lente existence, à ces espaces qu’on laisse là, dépossédés de leurs sens et de leurs fonctions, à ces étendues complètement autres, hors de toute expérience quotidienne.
Les lieux de cette série sont surdéterminés en tant qu’hétérotopie. Ils me fascinent pour eux-mêmes, pour ce mode propre qui est le leur, celui du doute et de l’inachèvement. Je les surprends à cet instant tangent, quelque part entre vie et mort, croissance et dépérissement, entre être et non-être, perpétuellement au bord de l’effacement. Ils sont des sédimentations, celles du temps accumulé, resserré en eux. Le passé et le futur se rejoignent dans une temporalité qui n’est plus fléchée. Le lieu et l’espace donnent à voir le temps, cet éternel irreprésentable.
Les architectes contraignent et contrarient la nature pour ériger des formes ascendantes. Inversement, la nature exerce ses forces descendantes sur le bâti. La série Heterotopia, La chute tragique révèle cette lutte constitutive de l’architecture, cette tension au cœur de l’art et de la culture.
(...)
À partir de quel moment une construction devient-elle ruine ? Quel degré de fragmentation fait basculer de l’autre côté ? L’idée de la chute tragique permet de sortir de cette impasse quantitative qui conduit paradoxalement à conclure à l’impossibilité de définir la ruine. La chute tragique part du postulat que l’existence d’un lieu passe nécessairement par deux moments. À une phase ascendante du bâti, jeunesse glorieuse qui fait la joie et fierté des architectes succède inévitablement une phase descendante caractéristique de la nature reprenant ses droits. (...)

— Vincent J. Stoker (extraits)


La fin de l’histoire


La fin de l’histoire affirme une foi en l’homme, en sa capacité de dépassement, de surpassement. La croyance au progrès trouve son essor dans le concept de fin de l’Histoire de Hegel : la raison, la technique doivent permettre la résolution des conflits pour enfin aboutir à un temps sans tension, hors contradiction. Les lieux de la fin de l’histoire s’imposent par leur rigidité monolithique et se présentent comme des vérités immuables. Leur statuaire colossale donne le sentiment d’être pérenne et fait oublier puis contester un instant la vérité portée par la série Heterotopia, la chute tragique, la vanité du monument et la précarité des sociétés. La croyance au progrès est séduisante et irrésistible. Mais elle flatte autant qu’elle rend aveugle. Siégeant au milieu de cette exubérance artificielle, de cet excès de civilisation, parfaitement arraché à la nature qui apparaît ici comme objet de deuil, le spectateur perd ses repères et s’enfonce dans l’abîme culturel. Son regard ébloui est dépassé mais s’évertue vainement à reconnaître ce qui, au fur et à mesure qu’il avance, l’engouffre et le fait disparaître. Le temps de l’homme, celui qui le constitue en tant qu’être dans la nature, est dépassé. Prend place alors le temps de la fin de l’Histoire qui ingurgite l’homme et sa forme putrescible pour enfin en faire disparaître la part naturelle au coeur de ses entrailles inorganiques.

— Vincent J. Stoker 

Exposition réalisée grâce au soutien du Ministère de la culture et de la communication, de la DRAC Aquitaine, du Conseil régional d’Aquitaine, du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, de la Communauté d’agglomération Pau-Pyrénées et de la ville d’Orthez. En partenariat avec la galerie Alain Gutharc (Paris) avec l’aide du CNAP - Centre national des Arts Plastiques, celle de D4 Avocats Associés et de collectionneurs privés.

Site de l’artiste
Vincent J. Stoker

Voir aussi
L’espace des possibles







  Vues de l’exposition : © Nina Laisné

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